Quand les comportements d’une personne réussissent à épuiser tout un réseau.
Suite à une maladie, une dégénérescence ou un traumatisme, une personne peut développer des comportements inattendus et difficiles à supporter pour ses proches ou les intervenants évoluant autour d’elle. Or, s’il est régulièrement confronté à de l’agressivité, le personnel ou le proche-aidant peut se sentir envahi et sa capacité de remédier rapidement à tout débordement sera sérieusement mise à l’épreuve.
La fréquence des comportements, leur nature et leur gravité peuvent exercer une influence déterminante sur les intervenants. Pour faire cesser les agirs le plus rapidement possible, on cherche habituellement à faire réfléchir, mentaliser, verbaliser ou favoriser l’introspection. Ces buts sont louables, mais ils sont parfois poursuivis de façon trop précoce ou avec une insistance qui ne correspond pas aux capacités réelles du client.
Divers comportements peuvent être considérés comme problématiques :
- Agressions envers soi-même : abus de substances, comportements suicidaires, automutilation, etc.
- Agressions envers les autres : gestes criminels, agressions verbales, psychologiques ou physiques, menaces, cris, intimidation, harcèlement, etc.
- Agressions envers l’environnement : bris de matériel, vandalisme, etc.
- Attitudes ou comportements sociaux inappropriés : opposition, refus, désinhibition sociale ou sexuelle, plaintes exagérées, circulation incessante, fugues, etc.
- Attitudes ou comportements individuels limitatifs : agitation, apathie, rigidité, persévération, impulsivité, isolement, faible tolérance à la frustration, hypersensibilité, confusion, désorganisation, etc.

Le contexte des comportements, leur fréquence, leur durée, leur intensité et leurs impacts sont parfois tels qu’ils mettent en danger la santé, la sécurité ou la propriété de la personne et/ou celles de son entourage; ils peuvent réduire la capacité d’adaptation de la personne, nuire à ses interactions et apprentissages et conduire à son rejet. Devant la persistance de ces comportements, les proches peuvent finir par se désengager progressivement, mettre la personne à distance ou se replier sur eux-mêmes.
Au quotidien, ces comportements risquent d’amener les gens du réseau à :
- Personnaliser les difficultés et conflits (prendre les choses «personnelles »)
- Accumuler les charges affectives
- Ressentir de l’impuissance ou de l’incompétence
- Perdre de vue leurs repères et objectifs d’intervention
- Céder à la fatigue de compassion, souffrir d’essoufflement et d’isolement
L’intervenant agit dans le milieu de différentes façons, tout d’abord, au moyen d’une observation systématique, puis, la documentation précise les comportements problématiques :
- la force des comportements : l’intensité, la durée, la fréquence et la persistance
- leurs impacts : craintes précises et perception de dangerosité pour la personne et les autres ; blessures physiques et trauma psychologique ; répercussions pour la personne et ses proches (pertes de service ou de privilèges, isolement social, ajout de contraintes, etc.)
Puis, le professionnel documentera les capacités adaptatives et comportements prosociaux, ceux sur lesquels l’intervention prendra racine. En collaboration avec le réseau, qu’il soit professionnel ou familial, l’intervenant du Groupe Évie cherchera à donner du sens au comportement et à faire des liens de causalité; en parallèle, il identifiera les besoins de la personne et de son environnement.
Par la suite, toujours en coopération avec le réseau, il élaborera des stratégies d’intervention ciblant la personne, l’environnement physique et humain et la programmation d’activités. Les cibles d’intervention privilégiées seront l’environnement (optimiser l’organisation et l’utilisation du milieu) et les comportements adaptés (intervenir sur les forces pour atténuer les vulnérabilités).
Quel est l’objectif de cette approche ?
Cette approche vise à dépasser le trouble de comportement, à aller voir ce qui se cache derrière. En fait, le trouble de comportement est souvent… un trouble de communication ! La personne malade, en perte d’autonomie importante ou traumatisée craniocérébrale essaie, avec les moyens dont elle dispose, compte tenu de sa réalité et du contexte donné, d’exprimer un besoin ou une insatisfaction. Le défi de l’intervention est de déchiffrer ce message et d’accompagner la personne dans la recherche de solutions appropriées.
La communication de la personne peut prendre diverses formes : verbale (verbatim, ce qui est dit), para-verbale (tonalité, débit) et non-verbale (langage corporel, doigt pointé, gestes brusques, poings fermés, mains sur hanches, etc.). Étant donné que les difficultés surgissent quand la personne adopte un comportement agressif pour combler ses besoins et que l’apparition de cette agressivité est souvent graduelle, plus les interventions seront précoces, meilleures seront les chances d’éviter la crise.
L’objectif consiste à identifier et développer les bons moyens de communiquer, tant pour la personne que pour son environnement : faciliter la communication (et non pas faire taire), la libération des charges affectives, l’apaisement et l’apprentissage. Tout ça, en se rappelant que l’acting out est parfois une perte de contrôle… mais que c’est aussi souvent une tentative de prise de contrôle!
